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mot clé «société»

Après les retoucheurs maladroits, voici les retoucheurs optimistes. Le journaliste et auteur Samuel Müller s’est procuré 100 plats cuisinés industriels. Après les avoir préparés, il les a soigneusement photographiés. Sur son site, il nous livre une comparaison passionnante entre l’image figurant sur l’emballage et le plat effectivement obtenu. Le résultat n’est pas triste et vaut son pesant de sauce grise et de pâtes avachies. Certains plats ne s’en tirent pas trop mal en ne franchissant pas des limites généralement convenues (couleurs vivifiées). Mais les plats en sauce ne s’en relèveront pas !
Tous les consommateurs de ces produits se rendent bien compte qu’on les a trompés, du moins par l’image. On ne nous dit pas si les produits sont bons... et je n’ai pas envie d’y goûter ;-( Mais si les consommateurs y reviennent, c’est qu’ils y ont trouvé leur compte. On peut dès lors se demander s’ils ne font pas une sorte de transfert de l’image qui les porte à croire qu’ils mangent réellement ce qu’ils ont vu sur l’emballage ?
Je ne mets pas d’image, de peur de nuire à la réputation de ce blog qui se targue d’avoir une certaine tenue ;-)

Béat Brüsch, le 9 avril 2008 à 22.50 h
Rubrique: A propos d’images
Mots-clés: publicité , retouche , société
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Sérendipité [1] ordinaire : j’ai été remis en présence de cette photo et elle m’interpelle. Le personnage central est le Général Guisan, chef de l’armée suisse durant la 2e guerre mondiale et grande figure nationale. En ces temps troublés, l’armée était chargée (entre autres) de surveiller la presse et l’information afin de maintenir l’esprit combatif de la population. Le Général incarnait cet esprit et ses photos n’échappaient donc pas à la censure. Cette photo fut interdite de publication : « Trop proche du peuple » déclara l’État-major personnel du général le 20 avril 1944.

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Crédits : Max Widmer / Archives fédérales suisses, Inv. E 4450/740. D’après un article du magazine « Objectif » de l’exposition Images mensongères à Berne.

La photo, mais surtout le motif de censure, fait immédiatement penser à la photo officielle du Conseil Fédéral de cette année (ci-dessous). Quel chemin parcouru ! Aujourd’hui, pour gouverner, il faut se mêler au peuple, il faut prendre son bain de foule régulièrement (enfin, surtout s’il y a des caméras).
Mais qu’est-ce qui pouvait bien déranger dans cette photo ? On a dû penser que la dignité d’un chef souffrirait de le voir ainsi mêlé au peuple. Le protocole et les conventions de l’époque exigeaient une certaine distance, voire une raideur toute militaire. Mais peut-être a t’on juste trouvé que la photo était « mauvaise », ce qui n’est pas forcément de la censure. En effet, les enfants du premier plan, vus de dos, et flous de surcroit, ont peut-être indisposé un esthète du département militaire ? Aujourd’hui, on jugerait ces éléments plutôt comme un témoignage de la spontanéité du moment pris sur le vif. Mais un militaire n’a que faire de la spontanéité et du « désordre » que cela laisse sous-entendre. On veut bien des photos avec des gens, mais sous contrôle et bien alignés. Tiens, finalement les choses n’ont peut-être pas tellement changé... la foule de la photo officielle du Conseil Fédéral elle aussi, est bien alignée. Elle a même dû poser pour y arriver. Autres temps, autres moeurs ? Pas si sûr...

Notes:

[1] Sérendipité. Contrairement à ce que prône J.-F. Kahn, je me plais à utiliser un mot rare et à courir le risque de ne pas être compris par certaines catégories de gens. Allez, pour cette fois, je vous aide : voici la définition qu’en donne le garde-mots.
Interview de J.-F. Kahn, Le Monde, 05.01.08 (page 1) : « Il faudrait donc appauvrir son vocabulaire et ses références ? J.-F. K : Oui, car beaucoup de gens de moins de 40 ans n’ont plus les références d’avant. Je reçois des lettres de lecteurs qui me disent qu’ils ne comprennent pas tout ce que j’écris. J’avais parlé du boulangisme, en référence au général Boulanger, ils pensaient que j’évoquais un pâtissier. J’ai écrit : “C’est une division du monde à la Yalta.” Mais qui sait encore ce qu’est Yalta ? Je suis catastrophé que les jeunes ne connaissent plus l’histoire, mais il faut bien en tenir compte. Les journalistes sont furieux qu’on leur dise cela. Mais on ne doit pas faire comme les marxistes qui décrivent la réalité comme ils voudraient qu’elle soit, il faut s’adapter à elle. »

Béat Brüsch, le 14 janvier 2008 à 16.25 h
Rubrique: A propos d’images
Mots-clés: dispositif , peoples , société
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Le Conseil fédéral se mèle au peuple, mais le peuple regarde ailleurs. Pour sa nouvelle photo officielle, le Conseil fédéral devient audacieux. Nous voici très loin des clichés de gouvernants posant gravement devant une bibliothèque et des drapeaux (suivez mon regard - lien hyperconceptuel ;-). Le concept de la photo officielle est traditionnellement de la responsabilité du nouveau président (cette fois, Monsieur Pascal Couchepin, élu pour une année). Comme je le montrais dans ce billet sur le même sujet, cela est l’occasion pour le président, d’imprimer sa marque. Ses attributions, il faut bien le reconnaître, ne vont guère au-delà de ce rôle de représentation. Mais, dans ce monde d’images et de communication tous azimuts, la représentation reste une donnée forte en politique.

Passer la souris sur l’image pour repérer les bonnes têtes ! De gauche à droite : la conseillère fédérale Eveline Widmer-Schlumpf, le conseiller fédéral Moritz Leuenberger, la conseillère fédérale Micheline Calmy-Rey, le Président de la Confédération Pascal Couchepin, le conseiller fédéral Samuel Schmid, la conseillère fédérale Doris Leuthard, le conseiller fédéral Hans-Rudolf Merz (vice-président), la chancelière de la Confédération Corina Casanova.
Cette image n’est pas le résultat d’une prise de vue spontanée dans un véritable bain de foule. Tout a été posé et mûrement réfléchi. Les auteurs, Béatrice Devènes et Dominic Büttner de l’agence Pixsil, nous présentent ici le making of de leur travail. On peut remarquer sur la photo que seuls les membres du Consei fédéral regardent l’objectif. Dans un premier temps, constatant le regard absent des figurants, j’ai cru être en présence d’un photomontage... On peut pourtant comprendre ce choix, en partant de l’idée qu’il fallait bien que les conseillers se distinguent un peu des autres personnages ! Mais on ne pourra pas s’empêcher de remarquer le regard fuyant de ces Suisses qui regardent ailleurs et ne se sentent pas concernés.
Ces quelques réserves faites, reconnaissons tout de même l’originalité de cette approche. Après l’éviction du loup de la bergerie, un vent d’audace soufflerait-il sur la politique suisse ? Espérons que cela ne soit pas qu’un effet d’image...


Addenda du 02.01.08 à 18.30h :

Interview de Béatrice Devènes, une des auteures de la photo, sur RSR>La 1ère>Médialogues le 02.01.08. Durée 11’53.

© CC - Radio Suisse Romande

Béat Brüsch, le 1er janvier 2008 à 14.40 h
Rubrique: A propos d’images
Mots-clés: dispositif , peoples , société
Commentaires: 3
Images mensongères

Matthias Wähner a trouvé une manière originale et forte de questionner ses contemporains sur l’intégrité des images. Il s’est introduit par effraction - et par la magie de la retouche - dans des images d’actualités très connues. On a pu voir sa personne aux côtés de Kennedy, des Beatles, de Willy Brandt ou de la famille royale d’Angleterre. Dans l’Allemagne de 1994, cette démarche fut très remarquée. Depuis les années 70, le pays a été agité par divers remous politiques et sociaux : Fraction armée rouge, mouvement autonome, mouvements des squatters, mouvement antinucléaire, mouvements pacifistes ou anti-impérialistes, Verts élus au parlement. Avec la chute du mur de Berlin (1989), de nombreuses certitudes s’effondrent. La démarche artistique de Matthias Wähner s’inscrit dans cette continuité en ébranlant d’autres certitudes. Il utilise des images qui, à leur époque, ont un statut d’icônes, pour mettre le doigt sur des croyances angéliques et un manque de recul critique face à l’information. Le voici...

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... à côté du chancelier Willy Brandt
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... avec le cosmonaute Neil Armstrong
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... avec les Beatles
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... à la mort du Che
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... avec la famille royale d’Angleterre
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... avec Brigitte Bardot

Cette démarche est-elle toujours actuelle ? Les images sont aujourd’hui bien plus nombreuses et circulent beaucoup plus dans des réseaux plus ouverts. L’intérêt pour certains de contrôler l’information et/ou les images n’a sûrement pas diminué ! La facilité liée aux outils informatiques reste bien sûr un élément décisif. Le public le sait et il est dans l’ensemble mieux averti grâce à certaines affaires éclatant çà et là. Mais il ne remet pas toujours en cause sa grande crédulité en l’authenticité de ce qu’il voit ou croit voir dans les images.
Il semble donc que ce dispositif soit toujours d’actualité. Cette façon de mettre subrepticement sous le nez du spectateur une sorte de piège visuel qui, souvent, se « dénonce » de lui-même dès la seconde lecture est un moyen didactique puissant pour éveiller la vigilance. Une mise à jour avec des images récentes en tenant compte des nouvelles données qui régissent la diffusion des images serait peut-être souhaitable. (Ah si j’avais du temps, cela me donnerait des idées... ) Mais cela se fait déjà couramment, sans que cela soit revendiqué en tant que démarche artistique, ainsi que je vous le montrerai dans mon prochain billet...
Matthias Wähner a baptisé son cycle L’homme sans qualités, faisant référence au roman éponyme de Robert Musil. L’exposition, constituée de 40 images, a été présentée dans de nombreux endroits autour du monde. Le livre/catalogue est toujours disponible au Fotomuseum de Munich. Quelques images figurent en bonne place dans l’exposition Images mensongères à Berne dont je vous parlais récemment.
Matthias Wähner est né en 1953. Il utilise couramment la photo, mais aussi la vidéo et des installations diverses. Il évoque ses principaux travaux sur son site internet. Il vit à Munich où il enseigne à l’Akademie der Bildenden Künste.
Photos publiées avec l’aimable autorisation de l’auteur.

Béat Brüsch, le 9 décembre 2007 à 15.40 h
Rubrique: A propos d’images
Mots-clés: manipulation , photomontage , société
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(mais après on arrête !)

Beaucoup de Genevois ont été choqués par la campagne d’affichage de l’UDC mettant en scène des moutons blancs boutant un mouton noir hors de Suisse. Les autorités politiques de la ville, au lieu d’interdire et de censurer, ont eu la belle idée de promouvoir un concours d’affiches exprimant un point de vue beaucoup plus convivial. Les 2 lauréats sont l’illustratrice Albertine (voir son beau site ici) et le bédéiste Wazem (pas de site trouvé à son sujet). Le résultat est à voir sur les murs de Genève en ce moment et sur le site officiel de la ville de Genève, où vous pourrez même télécharger des .pdf de bonne dimension.

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L’affiche d’Albertine
© Albertine
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... et un détail
© Albertine
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L’affiche de Wazem
© Wasem

Toute la beauté de ce geste ne nous fera pas oublier que tout le monde - et en particulier les politiques, toutes tendances confondues - court toujours derrière l’UDC et ne fait que réagir aux provocations nauséabondes de ce parti. Comme le relève un de ses représentants, cité par Le Courrier : « Il est toujours agréable de se faire plagier, cela signifie que nous avions touché juste ». Cela m’écorche les doigts (ou ce que vous voudrez !) de l’écrire, mais je crains qu’il ait raison.

Béat Brüsch, le 5 décembre 2007 à 16.35 h
Rubrique: A propos d’images
Mots-clés: affiche , société
Commentaires: 2
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