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mot clé «exposition»

Le Musée Suisse de l’appareil photographique présente jusqu’au 31 août, une exposition intitulée Les photographes - regards inversés. Ces photos de photographes photographiés se situent dans le droit fil de la vocation du musée : quoi de plus naturel, quand on dispose du « matériel », que de documenter les usages qu’on en fait ? Au fil du temps, le musée a constitué une collection iconographique dédiée à l’activité des photographes, qu’ils soient professionnels ou amateurs. Cette exposition est la première à puiser dans ce fonds.

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René Burri. Henri Cartier Bresson, Photographe français, 5th Avenue, New York.
© René Burri / Magnum Photos

La technique et le matériel de prise de vue conditionnent le geste. Les perfectionnements techniques successifs augmentent l’éventail des sujets « photographiables » tout comme ils modifient les usages sociaux de la photographie. (Pour s’en rendre compte, il suffit de se rappeler les encombrantes chambres exigeant de longues poses et de les confronter aux petits formats munis de films rapides.) Les photographes ont commencé très tôt à se (faire) photographier et témoignent ainsi remarquablement de cette adaptation des usages à la technique.

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Ernst Haas. Le photographe Werner Bishof.
© Ernst Haas / Magnum Photos

Que font deux photographes quand ils se rencontrent ? ...Ils se photographient. Souvent, on perçoit de la malice dans ces regards inversés, ce qui n’empêche pas une vision documentaire, lorsqu’on dévoile un dispositif de prise de vue. L’exposition met en lumière une grande diversité de pratiques et d’attitudes des photographes envers l’image qu’ils donnent d’eux-mêmes ou de leurs collègues. Parmi les plus passionnantes, on trouvera des images nous montrant les rapports subtils entre un photographe et son modèle.
À l’instar des peintres, les photographes pratiquent l’autoportrait. Mais à la différence des peintres qui interrogent leur visage en un regard introspectif, les photographes sont plus démonstratifs et se mettent en scène en tant que photographes. Leur univers technique est toujours présent dans ces autoportraits, comme un gage de leurs compétences techniques. Certains ne manquent pas d’en faire étalage, affichant ainsi ce péché mignon qu’on observe fréquemment chez les « amateurs-experts » [1].
Les photos de presse montrant une meute de photographes sont légion et l’exposition en présente bien sûr de beaux exemples. Souvent, la présence de confrères dans l’image est inévitable. Cela relativise un peu l’aura de la photo d’actualités en cassant le mythe du photojournaliste « aventurier-solitaire-témoin-sans-frontière ». Pour certaines de ces photos de presse, on nous fait voir le contexte, soit en contrechamp, soit en élargissant le champ pour montrer l’image avant recadrage. C’est le cas, par exemple, pour cette célèbre photo de Nick Ut dont je vous présentais le recadrage ici et qui figure aussi dans l’exposition.
Ces nombreuses pratiques sont présentées dans le musée en plusieurs parties distinctes, dans lesquelles les repères historiques ne manquent pas. À côté de ce noyau, deux autres salles sont réservées, l’une à la photo de presse et l’autre à un fonds récemment acquis d’images de l’agence Magnum. L’exposition réussit, de façon originale, à nous convaincre encore une fois de l’immense richesse et de la grande multiplicité des regards possibles en photographie. Elle emmène le public dans les coulisses, lui permettant de regarder par dessus l’épaule du photographe, en lui donnant la délicieuse sensation d’assister à la fabrication des images.

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Scène photographique, env. 1916.
Collections Musée suisse de l’appareil photographique.

A lire : compte rendu de la conférence qu’André Gunthert a donnée au musée, le 4 avril dernier, par Séverine Pache, responsable de l’exposition.

Découverte ces derniers jours, voici une étonnante galerie de regards inversés. Beaucoup de photos de sport, avec un étalage incroyable de matériel, ainsi que quelques photos animalières. L’effet général fait plutôt photogag. (Le site est russe et si j’ai bien compris, les images en haute résolution sont à vendre.)

Notes:

[1] Expression marketing utilisée par les grandes marques d’APN pour caractériser le segment du très haut de gamme - juste en dessous du « professionnel » - par ailleurs, largement suffisant pour le 90% du travail de 90% des photographes professionnels ;-)

Béat Brüsch, le 17 avril 2008 à 01.00 h
Rubrique: Voir de ses yeux
Mots-clés: argentique , dispositif , exposition , musée
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Images vues à Visa 2007

Sergey Maximishin doit être un géant. Il arpente un territoire immense, qui s’étend sur plus de onze fuseaux horaires, couvrant toute l’ancienne URSS et ses voisins au sud. Il cherche à comprendre ce qui arrive à son pays depuis que la perestroïka a voulu tout changer. Il se rend là où aucun photographe ne va et en ramène des images bouleversantes d’humanité, car ce qui l’intéresse, ce sont les gens. Ceux qui, sous tous les régimes, ont été oubliés. Ceux qui doivent bien continuer à se débrouiller pour vivre, en ramassant les miettes d’un gâteau que d’autres se sont attribué. Il ne se passe rien de sensationnel dans les images de Maximishin. Juste quelques petits désespoirs affleurants au détour de situations absurdes. Les poissons volent, même congelés. Les clowns tristes voyagent en autobus. On met sa plus belle cravate pour prendre le télésiège. Les bustes de l’Hermitage ressemblent à la gardienne du musée. Poutine a une tête de croque-mort. Tout est normal dans le pays. Rien ne bouge, mais tout peut arriver.
Les compositions sont magistralement agencées. Le sens du cadrage est époustouflant. La couleur, souvent en grands à-plats, y tient un rôle prépondérant. L’approche, pleine d’empathie, peut faire penser au courant de la photo humaniste né après guerre en France. L’humour grinçant en plus. Sergey Maximishin est né en 1964 en Crimée. Il fait son service militaire comme photographe dans l’armée rouge à Cuba. Il obtient un diplôme de physique à l’Institut polytechnique de Leningrad, puis il travaille dans le laboratoire d’expertise scientifique et technique du Musée de l’Hermitage. En 1998, il étudie à la faculté de photojournalisme de Saint Petersbourg. Il collabore un temps au journal Izvestia. Depuis 2003 il travaille pour Cosmos et Focus.
Sur son site internet, on peut admirer un généreux portfolio. (De mémoire, il contient la plupart des photos vues à Visa.) Allez-y, cela vaut largement le voyage.
L’exposition était tirée du livre : Le Dernier Empire : 20 ans plus tard, de Sergey Maximishin (Ed. Leonid Gusev, 40 €. Texte en anglais). J’ai cherché ce bouquin chez mon libraire favori, il ne l’avait pas. Et j’ai trouvé ceci sur internet... [MàJ : le livre est de nouveau disponible]

Béat Brüsch, le 2 octobre 2007 à 16.55 h
Rubrique: Regarder en ligne
Mots-clés: exposition , photographe
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Images vues à Visa 2007

Sous le titre « À marche forcée », Samuel Bollendorf a présenté à Visa, un reportage sur les oubliés de la croissance chinoise. Sous les dehors clinquants du « libéralisme communiste triomphant », le miracle économique a des aspects bien sombres. Les trois quarts des 500.000 paysans chinois vivent en dessous du seuil de pauvreté. Tout ce petit peuple de miséreux, les mingongs, est condamné à migrer à l’intérieur du pays pour se faire employer à vil prix, dans des conditions épouvantables, à la merci de pouvoirs corrompus. Samuel Bollendorf s’est rendu plusieurs fois en Chine pour réaliser ses photos.Il raconte dans une petite interview combien il a dû ruser pour réaliser son travail. En prenant connaissance de son reportage, on comprend aisément que la face qu’il nous présente n’est pas celle que souhaitent montrer les autorités à la veille de la grande opération de com qu’est l’organisation des Jeux olympiques. Au-delà de cette mascarade annoncée, ce reportage donne la mesure du cynisme sur lequel reposent nos échanges commerciaux avec la Chine. Nos entreprises ne pourront jamais être concurrentielles avec des systèmes érigés en bagnes. Quand on vous dit que l’argent n’a pas d’odeur...
Une galerie de 46 photos est en ligne ici (les commandes du diaporama sont tout en haut, à droite). N’omettez pas de lire les textes ! Les photos ont un aspect très brut. Je ne saurais dire si cet effet est recherché ou s’il est seulement dû aux conditions difficiles des prises de vue. L’éclairage naturel, sans aucun artifice et sans aucune volonté visible d’en améliorer le rendu, y est sans doute pour beaucoup. Cela demande parfois un petit effort de décodage. Toujours est-il que cette sorte d’impitoyabilité renforce l’effet dramatique (s’il en était besoin).
Le photographe français Samuel Bollendorf est né en 1974. Il est membre du collectif l’Oeil public depuis 1999. Depuis cette page, vous aurez accès à quantité de reportages de cette agence. « À marche forcée » a été réalisé grâce à une bourse du Centre national (français) des arts plastiques.

Béat Brüsch, le 24 septembre 2007 à 16.00 h
Rubrique: Regarder en ligne
Mots-clés: exposition , photographe , société , voir
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Coups de coeur à Arles

Quand Wang Qingsong regarde la Chine s’aligner sur les valeurs occidentales, au détriment de l’héritage culturel de son pays, il trouve une énergie créatrice qui lui fait imaginer les allégorie les plus débridées pour nous l’expliquer. Dans ses mises en scène méticuleuses, le réalisme fantasmé le dispute à la pédagogie.

Lorsqu’il dépeint les développements rapides qui touchent la Chine, il le fait en de grandes fresques sur lesquelles se déroule une histoire, en général assez éloquente. La satyre est partout présente, en particulier dans l’usage détourné de sujets de la peinture classique occidentale. Souvent, ce sont des marques de produits occidentaux qui, confrontés à des réalités chinoises, servent de révélateurs de la frivolité des nouveaux comportements des chinois.

La juxtaposition parfaitement maîtrisée de diverses iconographies, fait constamment ressortir les clivages entre l’orient et l’occident en de provocantes métaphores. Et si l’ensemble peut parfois nous sembler un peu kitsch, n’oublions pas que le kitsch « ...est surtout corollaire des goûts de son observateur. » (Wickipédia)

Il est intéressant de constater que ce type de mise en boîte des méfaits de la consommation n’est possible aujourd’hui qu’en Chine. Dans nos contrées, cela ne frappe plus guère, car nous avons eu le temps de nous habituer ! En Chine, le déferlement est extrêmement rapide. C’est un capitalisme aguerri et conquérant qui débarque en force, dans un pays aux ressources immenses et rendu réceptif par des années de privations. Pourtant, à bien y regarder, la démarche métaphorique de WQ ressemble fort à celles qu’on utilisait en occident dans les années 70 pour l’illustration de magazines. Mêmes maux, mêmes effets ?

Pour nous (qui ne sommes pas des dirigeants politiques ou économiques chinois !) l’oeuvre de Wang Quinsong est très ludique. Et c’est peut-être une des clés de son succès.

Thinker

Thinker
Est-ce qu’en Chine on sert les hamburgers sur des feuilles de chou ?


Requesting Buddha
Requesting Buddha
Le boudhisme a apporté bonheur et sagesse au peuple chinois pendant des milliers d’années. Rien d’étonnant à ce qu’on le retrouve aujourd’hui, dévoyé au profit de la consommation.


Can I Cooperate
Can I Cooperate with You ?
Voici un bel exemple d’interprétation de peinture traditionnelle à la lumière des préoccupations contemporaines.


Another battle
Another Battle
Dans cette série datant de 2001, WQ met en scène des batailles militaires. Dans chaque image, des marques commerciales très connues sont mises dans une situation triviale avec un humour cynique. Accessoirement, WQ figure sur chaque photo.


China mansion
China Mansion
China Mansion nous montre une résidence chinoise dans laquelle WQ invite les artistes occidentaux en de multiples citations et détournements.


Commercial War
Commercial War
Sur ce mur de 40 m de large, WQ a fabriqué et disposé 3000 affiches publicitaires pour toutes les grandes marques commerciales occidentales. Il compare cette guerre aux espaces publicitaires à un psoriasis qui dévore les villes chinoises. Les « Da zi bao », messages politiques d’antan, on été remplacés par la compétition pour le « business ».


Follow me
Follow me
Autre exemple dans la tradition du « Da zi bao »


Poisonous spider
Poisonous Spider
Dans cette installation WQ a réalisé une toile d’araignée de 16m de diamètre en fil de fer barbelé. Les objets pris dans la toile sont des produits de consommation.


Wang Quingsong vit et travaille en Chine ou il est né en 1966. Il est le lauréat du prix Dialogue de l’Humanité aux Rencontres d’Arles de cette année(liens cassés !).
Le site de WangQuingsong, d’où sont extraites les photos montrées ici et où vous pourrez en voir encore bien d’autres.

Béat Brüsch, le 31 juillet 2006 à 01.15 h
Rubrique: Regarder en ligne
Mots-clés: Arles , exposition , photographe
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Coups de coeur à Arles (?)

Je ne pensais pas parler de l’installation de Sophie Riestelhueber. Mais l’ami holbein en a parlé sur son blog et cela m’a fait reconsidérer un peu la chose... Lisez son article et nos échanges ici.

Béat Brüsch, le 23 juillet 2006 à 23.55 h
Rubrique: Regarder en ligne
Mots-clés: Arles , exposition , photographe
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