Mots d'images

histoires d’images, points de vue,

L’affaire André Zucca

Jamais encore la notion de contexte (ou de « contextualisation ») en rapport avec des images n’avait autant circulé que ces dernières semaines. Tout aussi rarement a-t-on pu constater à quel point les blessures de l’histoire étaient si inégalement cicatrisées.
« ... la plus importante polémique occasionnée par une exposition de photographies en France. » C’est ce que nous dit André Gunthert dans son dernier billet consacré à l’exposition des photos d’André Zucca, « Les Parisiens sous l’Occupation ». Vu de mon île, le débat me semble en effet extrêmement nourri et passionnant, même dans ses contributions les plus sommaires. N’ayant pas l’opportunité de me rendre dans ces quarantièmes rugissants, je me préparais néanmoins à établir une petite chronologie hyperliée des événements, façon de prendre dates et références. Mais c’est chose déjà faite par Audrey Leblanc sur cette page qui a le grand mérite de « recontextualiser » les différentes interventions, ce que n’aurait pu faire la simple liste de liens que je m’apprêtais à réaliser ! Mais Audrey Leblanc « oublie », probablement par une retenue qui est tout à son honneur, de citer tous les billets parus sur ARHV autour de ce sujet. Les voici donc, en ordre chronologique, avec quelques citations :

Le mensonge d’un artisan, la réalité d’un artiste - 23.04.08
(recension de l’émission d’ASI sur le sujet)

De la valeur absolue historique d’une image - Audrey Leblanc - 28.04.08
... « Le livre-catalogue n’est d’ailleurs pas rangé au rayon histoire ni photographie dans les librairies mais plutôt au rayon Paris : il vend parfaitement l’image très construite de ce qu’est le cliché parisien. »
...
... « Abstraction ou « indifférence » dans l’attitude des organisateurs de l’exposition qui insistent sur les prouesses techniques et la dimension esthétique de ces images et participent dans leur choix à une représentation “clichéïque” de Paris pendant cette période. Comme si on voulait nous faire croire à ces regards qui voient sans que cela ne les regarde. »

La défaite de la photographie - André Gunthert - 16.05.08
(Ce billet ne parle pas directement des images de Zucca. Mais quel bonheur, pour un blogueur suroccupé de pouvoir piocher aussi opportunément dans sa réserve de textes de derrière les fagots ;-)
...
« ...les principales limitations à l’usage de la photographie pour figurer un conflit proviennent des caractéristiques du médium lui-même : à l’inverse de la plasticité offerte par le dessin ou le montage, le témoignage photographique se présente comme une matière plus rugueuse, une image "sale", visiblement moins malléable, moins à même de se prêter à la recomposition des significations. »

André Zucca, la couleur rêvée - André Gunthert - 18.05.08
... « Comme tout enregistrement, une photographie présente l’équivalent de ce qu’on appelle en électronique un rapport signal-bruit (où le signal est l’information recherchée, le bruit, l’information inutile). Privés de l’information qui permettrait de comprendre ce que le photographe a voulu montrer – le signal –, les spectateurs de ces photos déshistoricisées ne perçoivent plus que des détails insignifiants, livrés aux jeux de l’interprétation – le bruit. »

Sur ViteVu : Voir/Ne pas voir l’occupation - Michel Poivert - 24.04.08
... « ... la conscience individuelle prime toujours sur la conscience collective. Zucca nous renvoie aussi, du fond de l’histoire, un miroir déformé mais aussi inquiétant de nous-mêmes. »


Mises à jour : Plusieurs conférences/débats ont été organisées autour de cette exposition...
D’Atget à Zucca, ou comment naissent les légendes - André Gunthert - 12.06.08
Le numérique révise l’histoire, ou André Zucca à Disneyland - André Gunthert - 21.06.08 « J’ai enfin pu accéder aux diapositives originales d’André Zucca à la BHVP... »
Un intéressant débat sur la restauration des photos.

Béat Brüsch, le 19 mai 2008 à 16.10 h
Mots-clés: contexte , exposition , guerre , photojournalisme , éthique
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Ce soir, le 19:30 (c’est le nom de l’édition principale du journal télévisé de la Télévision Suisse Romande) a tenu à marquer l’ouverture du Festival de Cannes à sa manière. Elle a demandé à 13 réalisateurs de cinéma suisses de traiter les sujets d’actualité (enfin, plus ou moins d’actualité). Expérience rafraichissante, tour à tour drôle, émouvante, sérieuse, badine... et forcément inégale. Mais des journaux télévisés comme celui-là, je voudrais bien en voir plus souvent (oui, je rêve). Ça commence très fort dans l’émotion avec le regard de Jacob Berger sur le tremblement de terre du Sichuan. Francis Reusser à son tour nous tire une petite larme lors d’une rencontre avec des sans-papiers. Lionel Baier découvre Berne et ses pavés. Ne manquez pas le non-évènement de Denis Rabaglia : un monument de suissitude ! Séquence exploit : le vol de l’homme oiseau... malheureusement, je crois que le sujet était un peu mieux traité par France2 quelques instants plus tard. Et, last but not least, Jean-Luc Godard en personne nous a gratifié de sa vision... de quoi au juste, je ne sais pas, car je n’ai sûrement pas toutes les clés... Mais allez voir vous-mêmes sur cette page où vous trouverez tous les sujets. Voyez ici un petit CV sur chacun des réalisateurs. La version intégrale du 19:30 se trouve ici. Pour bien voir, il faut être équipé des dernières versions de Real Player ou de Windows Media Player. Le cas échéant, vous trouverez de l’aide ici.

Béat Brüsch, le 14 mai 2008 à 22.20 h
Mots-clés: médias , vidéo
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Début 2007, dans un club anglais, un DJ s’ennuyant à passer ses vinyles se cache la figure derrière une pochette de disque 30 cm/33 tours. Ses facéties sont remarquées et inspirent bientôt d’autres DJ. Il n’en faut pas plus pour que les photos qui en témoignent se retrouvent bientôt sur le net, aussitôt imitées par de nombreux internautes...

Aujourd’hui, le site Sleeveface recueille ces bricolages photographiques réalisés à partir de pochettes de 30cm vinyle, mis en scène en des situations souvent inattendues et presque toujours drôles. Il est à remarquer que tous ces « truquages » sont réalisés à la prise de vue, sans intervention a posteriori. Le dispositif est ainsi mis en évidence, soulignant à la fois la supercherie et la performance. C’est la règle tacite du genre.
Nostalgie ou esprit d’à-propos ? Toujours est-il que cette manifestation apparait comme un dernier tour de piste pour ces pochettes de disque, témoins d’un temps révolu où l’on achetait parfois des disques presque autant pour les belles pochettes que pour la musique qu’ils contenaient.
Le site Sleeveface est la partie « officielle » du mouvement. On trouvera bien plus d’images sur Flickr (1719 à ce jour), quelques vidéos sur YouTube et un groupe sur Facebook.

Béat Brüsch, le 25 avril 2008 à 15.25 h
Mots-clés: blogosphère , dispositif , graphisme , société
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Dans un billet récent - Garanti sans retouches - je vous entretenais de questions de légitimation qui semblent se poser pour des photos se situant aux limites de la crédibilité. En fin de billet, je me demandais : certaines photos devront-elles à l’avenir revendiquer ouvertement une authenticité ? Laurent Laveder - le photographe du ciel breton, dont je vous parlais ici - présente sur son site une photo, réalisée il y a quelques jours, d’une lune agée de 15 h 38 minutes. Cela ne dit rien aux béotiens en astronomie, mais il faut savoir que ce croissant est alors tellement ténu qu’on ne peut le distinguer à l’oeil nu. Il faut pour le voir, consulter des éphémérides, puis regarder au bon endroit, au bon moment, avec de bonnes jumelles (et prier qu’il n’y ait pas de nuages). Les plus fins croissants de lune que nous avons tous admirés à l’oeil nu ont toujours plus de 24 heures.
Si je vous présente cette photo, ce n’est pas pour en vanter les qualités (bien réelles, au demeurant ;-), mais c’est pour attirer votre attention sur la petite animation (ici : Flash ou gif) que Laurent nous montre dans la foulée. Cette animation se positionne sans le vouloir, comme une attestation de véridicité. Et ce faisant, elle apporte une réponse possible à mon questionnement, ou du moins, elle met en en lumière une différence de crédibilité entre une photo et son pendant animé. La véridicité de ce dernier est à mon avis bien plus difficilement contestable que celle de la photo du même évènement. Tout le monde peut retoucher une photo, alors que pour une vidéo (qu’elle soit amateur ou pro) c’est une autre paire de manches. Autrement dit, une vidéo est (aujourd’hui) bien plus crédible qu’une simple photo.
Ces points de vue, autour des nouvelles fonctions respectives de la photo et de l’animation, avaient été également abordés dans la discussion qui a suivi la conférence d’André Gunthert de vendredi passé. Je ne pensais pas alors, trouver rapidement un exemple aussi éloquent.
L’animation évoquée ci-dessus est vraisemblablement réalisée par le montage des prises de vue séquencées de l’évènement. Cela ressemble fort à la continuité qu’on pourrait voir sur un film 24 x 36. On se trouve donc dans une version moderne de la planche de contact. C’est l’ouverture de la blackbox ;-) (Via APOD)

Béat Brüsch, le 11 avril 2008 à 16.20 h
Mots-clés: contexte , dispositif , numérique , éthique
Commentaires: 2

Après les retoucheurs maladroits, voici les retoucheurs optimistes. Le journaliste et auteur Samuel Müller s’est procuré 100 plats cuisinés industriels. Après les avoir préparés, il les a soigneusement photographiés. Sur son site, il nous livre une comparaison passionnante entre l’image figurant sur l’emballage et le plat effectivement obtenu. Le résultat n’est pas triste et vaut son pesant de sauce grise et de pâtes avachies. Certains plats ne s’en tirent pas trop mal en ne franchissant pas des limites généralement convenues (couleurs vivifiées). Mais les plats en sauce ne s’en relèveront pas !
Tous les consommateurs de ces produits se rendent bien compte qu’on les a trompés, du moins par l’image. On ne nous dit pas si les produits sont bons... et je n’ai pas envie d’y goûter ;-( Mais si les consommateurs y reviennent, c’est qu’ils y ont trouvé leur compte. On peut dès lors se demander s’ils ne font pas une sorte de transfert de l’image qui les porte à croire qu’ils mangent réellement ce qu’ils ont vu sur l’emballage ?
Je ne mets pas d’image, de peur de nuire à la réputation de ce blog qui se targue d’avoir une certaine tenue ;-)

Béat Brüsch, le 9 avril 2008 à 22.50 h
Mots-clés: publicité , retouche , société
Commentaires: 3
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