Mots d'images

histoires d’images, points de vue,


Le Conseil fédéral se mèle au peuple, mais le peuple regarde ailleurs. Pour sa nouvelle photo officielle, le Conseil fédéral devient audacieux. Nous voici très loin des clichés de gouvernants posant gravement devant une bibliothèque et des drapeaux (suivez mon regard - lien hyperconceptuel ;-). Le concept de la photo officielle est traditionnellement de la responsabilité du nouveau président (cette fois, Monsieur Pascal Couchepin, élu pour une année). Comme je le montrais dans ce billet sur le même sujet, cela est l’occasion pour le président, d’imprimer sa marque. Ses attributions, il faut bien le reconnaître, ne vont guère au-delà de ce rôle de représentation. Mais, dans ce monde d’images et de communication tous azimuts, la représentation reste une donnée forte en politique.

Passer la souris sur l’image pour repérer les bonnes têtes ! De gauche à droite : la conseillère fédérale Eveline Widmer-Schlumpf, le conseiller fédéral Moritz Leuenberger, la conseillère fédérale Micheline Calmy-Rey, le Président de la Confédération Pascal Couchepin, le conseiller fédéral Samuel Schmid, la conseillère fédérale Doris Leuthard, le conseiller fédéral Hans-Rudolf Merz (vice-président), la chancelière de la Confédération Corina Casanova.
Cette image n’est pas le résultat d’une prise de vue spontanée dans un véritable bain de foule. Tout a été posé et mûrement réfléchi. Les auteurs, Béatrice Devènes et Dominic Büttner de l’agence Pixsil, nous présentent ici le making of de leur travail. On peut remarquer sur la photo que seuls les membres du Consei fédéral regardent l’objectif. Dans un premier temps, constatant le regard absent des figurants, j’ai cru être en présence d’un photomontage... On peut pourtant comprendre ce choix, en partant de l’idée qu’il fallait bien que les conseillers se distinguent un peu des autres personnages ! Mais on ne pourra pas s’empêcher de remarquer le regard fuyant de ces Suisses qui regardent ailleurs et ne se sentent pas concernés.
Ces quelques réserves faites, reconnaissons tout de même l’originalité de cette approche. Après l’éviction du loup de la bergerie, un vent d’audace soufflerait-il sur la politique suisse ? Espérons que cela ne soit pas qu’un effet d’image...


Addenda du 02.01.08 à 18.30h :

Interview de Béatrice Devènes, une des auteures de la photo, sur RSR>La 1ère>Médialogues le 02.01.08. Durée 11’53.

© CC - Radio Suisse Romande

Béat Brüsch, le 1er janvier 2008 à 14.40 h
Mots-clés: dispositif , peoples , société
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Images mensongères

Matthias Wähner a trouvé une manière originale et forte de questionner ses contemporains sur l’intégrité des images. Il s’est introduit par effraction - et par la magie de la retouche - dans des images d’actualités très connues. On a pu voir sa personne aux côtés de Kennedy, des Beatles, de Willy Brandt ou de la famille royale d’Angleterre. Dans l’Allemagne de 1994, cette démarche fut très remarquée. Depuis les années 70, le pays a été agité par divers remous politiques et sociaux : Fraction armée rouge, mouvement autonome, mouvements des squatters, mouvement antinucléaire, mouvements pacifistes ou anti-impérialistes, Verts élus au parlement. Avec la chute du mur de Berlin (1989), de nombreuses certitudes s’effondrent. La démarche artistique de Matthias Wähner s’inscrit dans cette continuité en ébranlant d’autres certitudes. Il utilise des images qui, à leur époque, ont un statut d’icônes, pour mettre le doigt sur des croyances angéliques et un manque de recul critique face à l’information. Le voici...

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... à côté du chancelier Willy Brandt
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... avec le cosmonaute Neil Armstrong
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... avec les Beatles
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... à la mort du Che
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... avec la famille royale d’Angleterre
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... avec Brigitte Bardot

Cette démarche est-elle toujours actuelle ? Les images sont aujourd’hui bien plus nombreuses et circulent beaucoup plus dans des réseaux plus ouverts. L’intérêt pour certains de contrôler l’information et/ou les images n’a sûrement pas diminué ! La facilité liée aux outils informatiques reste bien sûr un élément décisif. Le public le sait et il est dans l’ensemble mieux averti grâce à certaines affaires éclatant çà et là. Mais il ne remet pas toujours en cause sa grande crédulité en l’authenticité de ce qu’il voit ou croit voir dans les images.
Il semble donc que ce dispositif soit toujours d’actualité. Cette façon de mettre subrepticement sous le nez du spectateur une sorte de piège visuel qui, souvent, se « dénonce » de lui-même dès la seconde lecture est un moyen didactique puissant pour éveiller la vigilance. Une mise à jour avec des images récentes en tenant compte des nouvelles données qui régissent la diffusion des images serait peut-être souhaitable. (Ah si j’avais du temps, cela me donnerait des idées... ) Mais cela se fait déjà couramment, sans que cela soit revendiqué en tant que démarche artistique, ainsi que je vous le montrerai dans mon prochain billet...
Matthias Wähner a baptisé son cycle L’homme sans qualités, faisant référence au roman éponyme de Robert Musil. L’exposition, constituée de 40 images, a été présentée dans de nombreux endroits autour du monde. Le livre/catalogue est toujours disponible au Fotomuseum de Munich. Quelques images figurent en bonne place dans l’exposition Images mensongères à Berne dont je vous parlais récemment.
Matthias Wähner est né en 1953. Il utilise couramment la photo, mais aussi la vidéo et des installations diverses. Il évoque ses principaux travaux sur son site internet. Il vit à Munich où il enseigne à l’Akademie der Bildenden Künste.
Photos publiées avec l’aimable autorisation de l’auteur.

Béat Brüsch, le 9 décembre 2007 à 15.40 h
Mots-clés: manipulation , photomontage , société
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(mais après on arrête !)

Beaucoup de Genevois ont été choqués par la campagne d’affichage de l’UDC mettant en scène des moutons blancs boutant un mouton noir hors de Suisse. Les autorités politiques de la ville, au lieu d’interdire et de censurer, ont eu la belle idée de promouvoir un concours d’affiches exprimant un point de vue beaucoup plus convivial. Les 2 lauréats sont l’illustratrice Albertine (voir son beau site ici) et le bédéiste Wazem (pas de site trouvé à son sujet). Le résultat est à voir sur les murs de Genève en ce moment et sur le site officiel de la ville de Genève, où vous pourrez même télécharger des .pdf de bonne dimension.

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L’affiche d’Albertine
© Albertine
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... et un détail
© Albertine
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L’affiche de Wazem
© Wasem

Toute la beauté de ce geste ne nous fera pas oublier que tout le monde - et en particulier les politiques, toutes tendances confondues - court toujours derrière l’UDC et ne fait que réagir aux provocations nauséabondes de ce parti. Comme le relève un de ses représentants, cité par Le Courrier : « Il est toujours agréable de se faire plagier, cela signifie que nous avions touché juste ». Cela m’écorche les doigts (ou ce que vous voudrez !) de l’écrire, mais je crains qu’il ait raison.

Béat Brüsch, le 5 décembre 2007 à 16.35 h
Mots-clés: affiche , société
Commentaires: 2

La Suisse est un pays pragmatique, efficace et moderne. Dans la plupart des pays d’Europe, les gouvernements tentent de mettre en place, tant bien que mal, des mesures dites dissuasives pour freiner l’immigration. En Suisse aussi, mais on a trouvé le fin du fin : on communique. Mardi dernier, lors du match de foot Suisse-Nigeria, les téléspectateurs nigérians ont pu voir, pendant la mi-temps, un spot publicitaire leur montrant ce que leur réserverait une émigration illégale en Suisse : misère et clochardisation.
C’est le Sonntagsblick, version dominicale du Blick, feuille populiste bien connue ici, qui sort l’affaire et met le spot TV en ligne sur son site (doublé en français). La campagne, appuyée par des flyers, est financée par l’ODM (Office Fédéral des Migrations) et concerne pour l’instant le Nigeria et le Cameroun. L’ODM dépend du Département fédéral de justice et police, qui est dirigé par le tristement célèbre berger des moutons blancs (je ne cite pas son nom, car je trouve que l’on a déjà fait assez de buzz à son sujet [1] ). Dans l’article, le directeur de l’ODM explique les différentes raisons qui justifient cette campagne, dont une qui vaut son pesant de laine vierge : il veut mettre en garde ces milliers d’immigrants des risques de noyade en Méditerranée (trad. résumée). Le Sonntagsblick aime décidément remuer le caca : en marge de la page internet, il propose aussi un minisondage : Question de la semaine - La Confédération doit-elle épouvanter les Africains ? Oui / Non. À lire l’orientation générale des commentaires des lecteurs de la page, on peut connaître l’issue du « sondage »...
Aux dernières nouvelles, il semblerait que l’Union Européenne s’active à un projet similaire. J’en connais qui doivent se réjouir !

Notes:

[1] MàJ : depuis, il a été « démissionné »

Béat Brüsch, le 28 novembre 2007 à 16.10 h
Mots-clés: médias , société , vidéo
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Pub magazine pour une carte de crédit : « Carouge, 14:23. Elle désire, je promets, j’offre, elle n’en croit pas ses yeux. »
Moi non plus, je n’en crois pas mes yeux : ils ont un clocher comme ça, à Carouge ? Ne serait-ce pas plutôt à Zürich qu’on en trouve un pareil ? Voici une image du Grossmünster de Zürich prise depuis presque le même emplacement.
Carouge est une charmante petite ville jouxtant celle de Genève. Les Genevois aiment bien s’y rendre pour ses boutiques à la mode, ses bistrots et pour l’ambiance sympathique qui y règne. Zürich est sûrement très sympathique aussi. Mais c’est tellement loin (au moins 280 km d’autoroute !) Les romands se contenteront donc d’une adaptation de la pub zürichoise. Ils n’y verront que du feu. Et les Carougeois apprécieront. Voici la même annonce « localisée » à Zürich.
Bien sûr, il faut relativiser la gravité de cette substitution d’image. Ce n’est pas la guerre et il n’y a pas catastrophe nationale. Il ne s’agit que d’une pub. N’empêche que cela illustre parfaitement le malaise que ressentent les romands vis-à-vis de Zürich. Nous en parlions dans le commentaire de cet article, ci-dessous. Je me cite : « ... Les plus grandes agences de pub sont à Zürich, capitale économique conquérante, passablement arrogante, un peu branchouille, et surtout, de culture suisse allemande. Ce dernier point n’est pas une tare, mais c’est une différence ! La manière de s’adresser aux gens, l’humour, les connivences, etc, ne sont pas les mêmes qu’ici... » Faut-il ajouter que les images non plus, ne peuvent se substituer ?
J’ai flouté la raison sociale de la banque, on ne va pas lui faire de la pub en plus ! Quant à l’agence de pub, c’est par pure charité que je ne la cite pas.

Béat Brüsch, le 1er novembre 2007 à 22.15 h
Mots-clés: publicité , société
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