Il y a des expositions de photo dont le titre ne nous accroche pas. C’est le cas de celle intitulée « Vieux-croyants de Russie » qui n’avait décidément rien pour attirer le mécréant invétéré que je suis, par ailleurs peu sensible au charme de la Russie. Mais bon, on est là pour visiter, alors on va voir tout !
Dans l’environnement quelques fois tapageux des rencontres d’Arles, les photos d’Ivan Boiko frappent d’abord par la modestie : petits formats, noir blanc, petites salles d’exposition. Mais approchez... vous verrez de vrais gens, photographiés « à hauteur d’homme »
avec chaleur, respect et empathie. Il faut voir le recueillement des femmes pendant la célébration de Pâques, saisissant, comme un choeur de Monteverdi. Il faut voir la joie des enfants qui n’ont que faire de ce qui, pour nous, touchés par la grâce du progrès, peut ressembler à du dénuement matériel. Il faut voir ces grand-pères qui ont une aura qu’on ne prête plus, depuis longtemps, aux vieux (pardon : aux personnes âgées) de par chez nous.
Ces communautés, situées dans l’Oural et l’Altaï, sont apparues au cours du XVIIe siècle. Lorsque l’Eglise officielle orthodoxe engage une réforme de ses rites, une partie du clergé et des fidèles s’oppose à ces changements. Ces « vieux-croyants » sont alors sujets à répressions parfois violentes durant 3 siècles. Aujourd’hui, quelques villages isolés sont d’ultimes témoins d’une histoire faite de fuites et de pratiques diversifiées au fil du temps par l’éclatement du mouvement en de multiples sectes.
Boiko travaille avec un minimum de moyens. Toujours en éclairages naturels (dans lesquels je range la lumière des bougies et, quelques fois, de la modeste ampoule électrique du plafond). En argentique noir/blanc, avec un choix restreint d’objectifs. Le grain est superbe et peut, lui aussi, déclencher une petite nostalgie, même chez un fervent du numérique ! On s’étonnera peu d’apprendre que Boiko est ethnophotographe. Il travaille comme photographe lors d’expéditions anthropologiques et pour le Musée Historique d’Etat de Moscou.
• Exposition de 80 photos au Museon Arlaten (qui n’a pas son propre site internet !) tous les jours jusqu’au 28 janvier 2007 (attention, fermé de 12h30 à 14h).
• Un livre avec 150 images est coédité par le Museon Arlaten et les Editions Somogy.
• Mon précédent billet consacré aux rencontres d’Arles.
Rubrique: Voir de ses yeux
Il y a près de 50 expos à se mettre dans l’oeil (comptez 3 jours et quelques litres d’eau fraîche pour tout voir !). Cette année, comme vous le savez, c’est à Raymond Depardon que nous devons une grande partie des expositions majeures présentées à Arles.
Le nombre de touristes, venus exprès ou par hasard ne ment pas : le charme de la vieille ville d’Arles opère toujours et c’est un plaisir que de se balader dans ses ruelles, muni du plan officiel à la recherche du prochain lieu d’exposition.
- Paul Graham - Eglise des Trinitaires
- © B. Brüsch
J’ai rarement vu autant de touristes avec autour du cou, de gros appareils photo prestigieux, souvent munis d’accessoires et d’objectifs habituellement réservés aux pros des manifestations sportives ! Que peuvent-ils donc bien faire avec tout ce barda ? Font-ils des photos ? Ou est ce qu’ils se la pètent en se prenant pour HCB ? Certains (plus rares) portent le Leica de grand-papa en bandouilère, comme un colifichet.
J’ai assisté, sans le vouloir, à la remise des prix et soirée de clôture des rencontres. Sans le vouloir, car je tenais absolument à voir la prestation du Groupe F appelé à se produire en fin de cérémonie. 12 Euros par personne, pour le petit peuple non-badgé, contre une dizaine de minutes de spectacle, après des plombes de discours, cela fait cher le pétard ! Et cela fait aussi un peu pingre vis-à-vis du touriste qui fait (un peu) vivre la ville. Bien que courte, la prestation du Groupe F fut pourtant grandiose. Le Groupe F est une fameuse équipe d’artificiers qui renouvellent le genre avec un brio inouï. Là où les artificiers habituels nous présentent chaque année les mêmes feux, avec juste une surenchère quantitative en guise de nouveauté, le Groupe F se distingue avec de véritables mises en scène extrêmement imaginatives, sensées et maîtrisées avec beaucoup de sang froid.
J’avoue que cette remise des prix a tout de même attiré mon attention sur quelques personnalités intéressantes, qu’elles soient lauréates ou « simplement » nominées. Vous trouverez tous les nominés sur le site et dans le catalogue des Rencontres. J’y reviendrai prochainement avec mes coups de coeur.
- L’un des anciens ateliers SNCF
- © B. Brüsch
Que voir, si vous êtes juste de passage ? Mon conseil, en toute subjectivité, va sans hésiter au remarquable ensemble présenté au Parc des (anciens) ateliers de la SNCF. Vous y trouverez la plupart des « Compagnons de route » [1] de -Depardon et la plupart « des photographes du politique et de la société ». [2] Je sais, il reste plein d’autres choses intéressantes, mais il y a là déjà de quoi remplir plus de 3 heures de visite. L’endroit est étonnant. Les volumes des ateliers sont assez vastes pour permettre d’agencer les différentes expositions entre elles en ménageant, tantôt la distance, tantôt le rapprochement nécessaires. Le cadre donné par l’architecture des bâtiments est assez puissant pour renforcer la cohérence de l’ensemble des sujets. Le lieu est un peu excentré (navettes gratuites toutes les 10 minutes devant l’Office du Tourisme - il y a des possibilités de parking). Ce n’est pas climatisé, on ne peut pas tout avoir !
Expositions visibles jusqu’au 17 septembre 2006, tous les jours de 10 h à 19 h. Site des Rencontres d’Arles. Livre-catalogue des Rencontres (500 pages - 44 Euros) aux éditions Acte-Sud. Site de la ville d’Arles.
Notes:
[1] Compagnons de route : Daniel Angeli, Guy Le Querrec, Gilles Caron, Don McCullin, David Burnett, Susan Meiselas, Jean Gaumy, Roman Cieslewiicz, Claudine Doury, Jean-Marc Durou.
[2] Des photographes du politique et de la société : Philippe Chancel, Malik Nejmi, Gilles Leimdorfer, Olivier Jobard, Julien Chapsal, Vincent Debanne, Jean-Christophe Béchet, Meyer, Gilles Coulon, Olivier Culmann, Cyrus Cornut, Raphael Dallaporta, Marion Poussier, Laurent Guenaud, Stéphane Lagoutte, Franck Gérard.
Rubrique: Voir de ses yeux
Ce propos, tiré d’un entretien de Franck Horvat avec Don McCullin, me remet en tête le malaise que j’évoquais devant des photos dramatiques à l’esthétique trop bien léchée. Cela m’avait frappé lors du World Press Photo 06. Me voici un peu rasséréné de voir qu’un grand « photographe de guerre » puisse s’encombrer de ce type de considérations.
L’entretien que j’évoque est remarquable pour d’autres raisons encore. Vous pourrez le trouver avec 11 autres, tous aussi passionnants, sur le site de Franck Horvat. Le célèbre photographe s’est entretenu dans les années 80 avec une douzaine de ses confrères. Le livre qui en résulta est aujourd’hui épuisé et demeure non réédité malgré la demande. C’est pourquoi, Horvat décida de le mettre intégralement en ligne sur son site internet en 2002.
6700 personnes par kilomètre carré. Telle est la densité de la population de Hong Kong. Le chiffre est abstrait, on a juste le sentiment que « ça fait beaucoup ! ». Pour le ressentir un peu plus concrètement, regardez les photos que Michael Wolf consacre à cette ville et à ses habitants. Michael Wolf est un photographe allemand qui a vécu à Honkong pendant une dizaine d’années.
100 x 100 est une impressionnante série de 100 photographies d’appartements de 100 x 100 pieds carrés (9.29 m2) et de leurs habitants.
A une autre échelle, dans Architecture of Density, les façades d’immeubles, cadrées sans références à leur environnement, créent un ensemble de grilles presque abstraites.
On peut voir ces séries, et d’autres, toutes consacrées à Hong Kong et à ses habitants, directement depuis sa page d’accueil.
Après avoir entendu parler en long et en large de ces affiches, j’ai finalement trouvé un moment pour aller voir juste en bas de chez moi... eh ben elles y sont ! Elles font pas mal d’effet. Il y a même des gens qui s’arrêtent pour les regarder, ce que je ne constate pas souvent pour d’autres affiches. Comme quoi le photomontage peut avoir du bon ;-)
Infos sur cette campagne, ici. Les images officielles de la campagne, ici.
Rubrique: A propos d’images