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Depuis quelque temps on assiste à l’émergence de logiciels permettant d’ajouter aux images numériques du grain argentique ou des couleurs typiques de certains films. C’est ainsi que l’on peut choisir de grainer ses photos à la manière du TriXPan ou du non moins célèbre HP4. On peut également donner à ses couleurs un aspect Velvia ou Kodachrome. Certaines fonctions autorisent même la simulation de traitements de labo particuliers. film 24x36 Sans aller jusqu’à évoquer toutes les possibilités d’utiliser ces commandes à mauvais escient (par défaut d’expérience argentique) je me demande quelle peut bien être l’utilité de tels procédés. Nostalgie d’un temps proche, mais révolu ? Sommes-nous incapables de nous passer des artefacts de la photo argentique ? Oui, j’ai dit artefact... car cela me permet de rappeler que bon nombre de caractéristiques visuelles de la photo argentique sont induites par la technologie. Les lois physico-chimiques étant ce qu’elles sont, leur mise en oeuvre pour la réalisation de films et d’émulsions a produit des effets collatéraux qui n’étaient sûrement pas voulus. Je ne peux imaginer que des « inventeurs » aient vraiment souhaité avoir du grain sur leurs photos. Cela s’est fait malgré eux, grâce aux procédés utilisés. Bien sûr, le génie humain a rapidement assimilé ces caractéristiques pour en exploiter les qualités poétiques. On a même développé toute une esthétique autour de ces particularités. Et les labos en ont remis une couche en proposant un grain plus beau que celui du concurrent. Et les photographes ont adoré cela, parfois en signant leur production d’un grain particulier, un peu comme une marque de fabrique. Le petit format et les émulsions rapides n’ont fait qu’accentuer le phénomène. On peut tenir le même raisonnement à propos d’autres contraintes techniques (de labo) qui ont orienté l’esthétique de la photographie, donnant par exemple des types particuliers de nuances colorées ou des échelles de gris spécifiques. Notre culture visuelle est fortement imprégnée de tous ces attributs de forme. Il n’est pas question ici de la renier, car elle nous fournit des repères indispensables. Mais en même temps, j’ai un peu peur que cela nous empêche de voir, d’imaginer et d’explorer d’autres modèles, bref, de développer une véritable vision débarrassée de ses oripeaux. Les technologies numériques nous ont libérés de bon nombre de contraintes techniques du passé. Servons-nous-en de façon créative et non pour produire du faux vieux ! Si vous tenez vraiment à l’argentique, le vrai, avec les odeurs aigrelettes du labo et tout ce qui va avec, c’est peut-être le bon moment de vous lancer, car les boutiques de photo regorgent de matériel d’occasion. Souvent du matériel légendaire, une véritable aubaine ! Sur le blog très documenté de Volker Gilbert, vous trouverez un article présentant toutes les nouveautés de ce secteur, qui semble assez productif. Tiens, je me demande quand on nous proposera (si ce n’est déjà fait ?) un plug-in offrant un choix de bordures de films pour faire encore plus vrai ?

Béat Brüsch, le 2 février 2007 à 10.55 h
Rubrique: Les nouvelles images
Mots-clés: archétype , argentique , esthétique
2 commentaires
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    2541 fois d’accord avec ton analyse… ! C’est en fait un gadget commercial, ne pas l’oublier.

    Envoyé par jean-christophe, le 2.02.2007 à 16.49 h
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    @Jean-Christophe
    Dans ton précédent commentaire, c’était « 10’000 fois d’accord... » aujourd’hui, plus que « 2’541 fois... ».
    Je suis aussi nul que ça ?

    Envoyé par Béat, le 3.02.2007 à 00.09 h
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