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Images vues à Visa 2007

Le destin d’Ahmad Masood était de devenir photographe de presse, mais il était loin de s’en douter. En 2001, l’Afghanistan est aux mains des taliban. L’Alliance du Nord, constituée de plusieurs groupes armés, s’est retirée dans le nord du pays par manque de moyens militaires. Mais tout change après l’attentat du 11 septembre, quand les États-Unis décident de soutenir massivement l’Alliance du Nord. Ahmad Masood a alors 21 ans et vit dans la vallée du Panchir, leur point de ravitaillement. Parlant parfaitement l’anglais (qu’il a appris seul) il propose ses services aux journalistes étrangers arrivant sur les lieux pour couvrir ce nouvel épisode guerrier. Il devient rapidement un « fixeur » efficace et apprécié, tant pour son entregent que pour sa connaissance de la culture afghane. Il mène les journalistes de Reuters dans tout le pays. Un jour, il doit se rendre à Mazar-i-Sharif pour un article et n’a pas de photographe sous la main. Il emporte un petit appareil numérique et réalise lui-même les photos. On découvre alors –et lui y compris !– son talent pour le photojournalisme. Il apprend le métier auprès des photographes de passage et devient rapidement le pilier de l’agence Reuters à Kaboul. Si vous saisissez son nom dans Google/image, vous verrez les images des actualités afghanes qu’il fournit à son agence. Mais ce n’est pas ces photos-là qu’il nous présentait à Visa. Masood poursuit une oeuvre parallèle dans laquelle il porte un regard attentionné, confiant, enjoué et presque optimiste à son pays. Il nous montre la beauté d’un peuple bien vivant, malgré les tensions qui le déchirent. À côté des dures réalités que nous voyons habituellement de cette contrée, ses images, presque apaisées, n’ont pas de prix. Et je me demande pourquoi cette vision en contrepoint ne fait pas plus souvent partie du travail des photographes de guerre ? Peut-être que ce n’est pas ce qu’attendent les médias de la part d’un photoreporter en zone de conflits... Dans le travail de Masood, on remarque beaucoup de photos de femmes en burka. (C’est le cas aussi chez d’autres photographes, vus à Perpignan, comme Véronique de Viguerie.) La beauté visuelle de ce vêtement, mêlée à l’horreur idéologique qu’il représente pour les occidentaux, ne lasse pas de fasciner les photographes. Ces drapés de princesse déployés sur un fond de brutalité produisent un contraste saisissant. Loin de m’en plaindre, je me réjouis au contraire, que la condition des femmes de ce pays puisse ainsi accéder (un peu) à une visibilité qu’elle n’obtiendrait peut-être pas autrement. Je n’ai pas retrouvé l’ensemble des photos de cette exposition sur un livre ou sur une galerie en ligne. Il nous faudra un peu de patience... Masood est encore jeune et son ascension est rapide. Trop rapide pour qu’un éditeur ne remarque son talent ? À suivre...

Béat Brüsch, le 9 octobre 2007 à 12.45 h
Rubrique: Voir de ses yeux
Mots-clés: guerre , photographe
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