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mot clé «photojournalisme»

Grande première au 3e Marathon de Lucerne. La manifestation sportive, qui a eu lieu le 25 octobre, a été couverte par des photographes dont les images étaient visibles en direct live sur internet [1], sous la forme d’un diaporama qui se construisait au fur et à mesure du déroulement de la course. 7’000 internautes ont suivi la course en direct, alors que dans les 10 jours suivants, pas moins de 40’000 visiteurs se sont logués sur le diaporama. Pas mal pour une première. Le diaporama était également projeté sur écran géant dans l’aire d’arrivée. On peut voir une archive du diaporama ici. Swiss-Images est une agence ou banque d’images - on ne sait trop - d’un nouveau type. Elle est à la pointe du développement du Remote Picture Editing, technique consistant à transmettre des photos événementielles par réseau. Le photographe se concentre sur la prise de vue et « derrière », les photos sont éditées et mises en ligne en quasi temps réel. Les photos sont visibles sur internet par les internautes et la presse peut y faire son marché (avec des accès spécifiques). Les coûts de production, à vitesse égale, étant considérablement plus faibles que pour la vidéo on peut dire que c’est, en quelque sorte, la photo qui prend sa revanche sur la TV. (Et c’est encore sans compter avec la vidéo embarquée sur les plus récents APN professionnels !). Mais le procédé bouscule aussi la chaine traditionnelle de production de photos de presse d’actualités. Et pour bien remuer le bâton dans la fourmilière, Swiss-Images offre certaines de ses prestations gratuitement à la presse. Immédiateté, court-circuitage des intermédiaires, compression des prix, gratuité pour le public, diffusion en ligne, sont des éléments permettant de dessiner une tendance forte pour le devenir de la photo de presse, ou tout au moins pour sa partie évènementielle.

Pour l’instant, les transmissions de photos « vers l’arrière » se font par le truchement des réseaux disponibles (Wifi, WLAN, UMTS, HSDPA) et avec le matériel disponible (ordinateurs portables et autres solutions avec modems embarqués) mais gageons que le Wifi et la 3G feront bientôt leur apparition dans les APN professionnels.

Le procédé est expliqué ici (en anglais)
Voir aussi Idruna Software qui propose une solution technique.
Le site de Swiss-Images en allemand ...et en anglais (pas complet par rapport à la version allemande)

Notes:

[1] avec un décalage de 60 à 120 secondes

Béat Brüsch, le 5 novembre 2009 à 15.59 h
Rubrique: Les nouvelles images
Mots-clés: agence , banque d’image , photojournalisme , presse
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Les grands classiques

Il y a 20 ans, se déroulait le massacre de Tian’anmen. Grâce à une image forte, cet évènement reste encore dans toutes les mémoires. Mais pour le peuple chinois, elle est toujours interdite. À l’heure où des velléités de contrôle de l’internet se font jour jusque dans nos plus belles démocraties, il peut-être utile de s’en souvenir.

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© Charlie Cole

Après la mort de Mao, en 1976, la Chine est sujette à divers errements politiques. Le pouvoir tente le grand écart : libéraliser l’économie tout en conservant la dictature du parti communiste. Dès la fin des années 70, le gouvernement met en place des réformes économiques qui vont bouleverser la vie de millions de Chinois. Il y aura de nombreux nouveaux pauvres et quelques nouveaux riches. À plusieurs reprises durant les années 80, les étudiants manifestent pour obtenir plus de libertés démocratiques. Dès 1987, à la suite de l’interruption de certains processus de réforme, divers troubles sociaux se font jour. En avril 1989, après la mort de Hu Yaobang - un « libéral » limogé - les étudiants se rassemblent spontanément à la place Tian’anmen. Plusieurs manifestations ont lieu durant tout le mois. Le 26 avril, toute nouvelle manifestation est interdite par le pouvoir, mais le 27, ils sont 50’000 à manifester à Pékin et le mouvement se développe dans tout le pays.

Dès ce moment, la place Tian’anmen est occupée en permanence par des manifestants. Le 12 mai, commence une grève de la faim qui finira par être suivie par un millier d’étudiants. La population manifeste massivement son soutien. Certains jours, plusieurs centaines de milliers de personnes se retrouvent sur la place. La visite officielle de Mikhail Gorbatchev - qui à travers la Glasnost et la Perestroika, tentait, lui aussi, de moderniser son pays - rend le gouvernement très nerveux. Le 17 mai, il devra annuler la visite de Gorbatchev à la Cité interdite (qui n’a jamais si bien porté son nom ;-) Chez les dirigeants chinois, les réformistes et les conservateurs s’affrontent et c’est finalement ces derniers, à la suite de Deng Xiaoping, qui auront le dernier mot. Le 19 mai, la loi martiale est proclamée.

Dans la nuit du 3 au 4 juin 1989, l’armée entre dans Pékin et se heurte à des points de résistance dressés par les étudiants. L’« Armée populaire de libération » fait usage des ses armes à feu. Arrivée sur la place Tian’anmen elle écrasera de ses chars les grévistes de la faim restés dans leurs tentes. Des combats et des barricades dureront encore jusqu’au 8 juin. Les arrestations sont nombreuses et les premières condamnations à mort suivies d’exécutions sont rapportées dès la semaine suivante. Selon les sources, on estime que ces affrontements ont pu provoquer jusqu’à 3000 morts, sans compter les exécutions qui ont suivi. Aujourd’hui, 20 ans après, on ne sait combien de personnes sont toujours emprisonnées pour leur participation au printemps de Pékin. (Je ne vous donne pas la version officielle chinoise de ces évènements, mais je m’engage à vous la fournir le jour où le peuple chinois aura accès à toutes les versions autres que celle du gouvernement.)

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© Stuart Franklin

La scène de l’Homme au tank se passe le 5 juin à 800 mètres de la place de Tian’anmen. Elle a été photographiée et filmée depuis un balcon de l’hôtel Beijing par plusieurs photographes : Charlie Cole (Newsweek), Stuart Franklin (Magnum), Jeff Widener (AP) et 2 équipes de télévision (CNN et BBC). L’image de l’homme de Tian’anmen a fait rapidement le tour du monde, occupant simultanément la une de la presse écrite et des journaux télévisés. Le courage [1] de l’homme en chemise blanche arrêtant les chars sidère les spectateurs du monde entier. Plus que de longs discours et des chiffres, elle symbolise à merveille la disproportion entre la volonté de dialogue des étudiants et la brutalité de la répression. Dans cet environnement grisâtre, cette chemise blanche, couleur de l’innocence, incarne une grâce que 100 ans de répression ne pourront effacer.

« L’image se distingue surtout d’autres grandes photos du siècle, car le sujet crée lui-même l’instant. Il n’est pas pris dans le tourbillon de l’histoire, comme la jeune vietnamienne brûlée au napalm… » [2] L’image est certainement une des plus emblématiques de la fin du 20e siècle. Elle est dans toutes les mémoires et marquera pour longtemps les esprits, rassemblant confusément en une seule icône, toutes les turpitudes du régime autoritaire chinois. On l’a vue ressortir dans des articles sur la répression au Tibet et, bien évidemment, à propos des derniers Jeux olympiques. Elle colle au train du régime, qui s’en rend bien compte en réprouvant et en réprimant lourdement toute évocation de cet épisode historique.

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© Jeff Widener

La diffusion simultanée de cette image en photo et en vidéo a apporté un surcroit d’intelligibilité et de mémorisation à sa force intrinsèque. Les plus de 30 ans - c’est-à-dire ceux qui ont vu le reportage de ces événements « en direct » - peuvent dire que dans leur esprit, la version animée se confond avec celle, immobile, des photos. L’expérience, le souvenir du mouvement se mêlent aux photos qu’on a vues dans les journaux et pour une fois on a clairement l’impression qu’on a affaire à « une photo qui bouge ». On peut dire aussi, que la version vidéo agit comme une légende de la photo et qu’en retour, la photo apporte un peu de pérennité à la vidéo.

De par son symbole fort, l’image pourra occasionnellement dépasser la notion strictement chinoise comme véhicule d’un concept de non-violence, à l’instar de la célèbre photo de Marc Riboud - La fille à la fleur - dont on a un peu oublié le contexte pour ne se souvenir que de son expression.

Qu’est-il advenu de l’homme en blanc ? Les hypothèses les plus diverses ont cours. Elles vont de sa rapide arrestation, suivie d’une exécution, à une vie paisible et anonyme hors de Chine. Nous nous garderons bien de nous aventurer sur ce terrain, tout en relevant que ce mystère magnifie, s’il le fallait encore, la portée de son geste.

Sources :

- La République populaire de Chine, de 1949 à nos jours - Jean-Pierre Duteil
- Manifestations de la place Tian’anmen - Wikipédia
- Homme de Tian’anmen - Wikipédia
- Tank Man - Wikipedia
- La vidéo sur YouTube

Remarque :

Il y a quelque chose de perverti dans le système de référencement de Google : en y recherchant Tian’anmen, les pages renvoyées sont littéralement squattées par une chanson de variétés insipide portant le même titre... beurk

Notes:

[1] À ce moment, les tanks avaient déjà écrasé les manifestants de la place Tian’anmen et l’homme en blanc devait le savoir. Mais il faut aussi se rappeler que dans les mois qui précédèrent, l’armée ou la police s’étaient souvent montrées très proches des étudiants.

[2] Adrien Gombeau, auteur d’un livre sortit ces jours : L’homme de la place Tiananmen. 119 pages. Adrien Gombeaud. Éditions du Seuil. Cité par Renaud Revel sur son blog.


Addenda du 2.06.2009:

L’agence AP a publiée le 4 juin 2009 une photo, jusqu’alors inédite, du photographe Terril Jones prise au niveau de la rue. On y voit l’homme à la chemise blanche qui attend de se positionner devant les tanks que l’on aperçoit au loin. Relaté par Google News, ici.

Addenda du 7.06.2009 :
The Big Picture, le site du BostonGlobe publie une belle série d’images sur les manifestations d’il y a 20 ans et sur certaines de ces derniers jours.

Béat Brüsch, le 2 juin 2009 à 16.39 h
Rubrique: Les grands classiques
Mots-clés: histoire , photographe , photojournalisme
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Après un de mes récents billets consacré à des photos jugées trop photoshopées, continuons dans le bon goût et la poésie avec les bizarres images d’actualités parues dans le Blick [1] et reprises par le 19:30. [2]

Suite à un match de football qui s’est terminé en bataille rangée de supporters, Christian Gross, l’entraineur de l’équipe de Bâle a été agressé dans un tram. N’ayant probablement pas de photos du tout ou en tout cas rien de présentable, le Blick (édition du 19 mai - diaporama visible sur leur site web ici) a eu recours à un procédé original : il a demandé à un des dessinateurs de presse « maison » de suppléer à ce manque. Le résultat est présenté sous la forme de photos puissamment manipulées.

Leur aspect - qui peut faire penser à des photocopies coloriées - est obtenu facilement par des filtres fournis en standard avec Photoshop. Les textures sont suffisamment éloignées du fini photographique habituel pour placer ces images dans le camp des illustrations dessinées... mais tout le monde sent bien la photo qui est derrière. C’est très malin, car cela permet au Blick de jouer en même temps sur 2 tableaux : la liberté du dessin et la caution de vérité apportée par la photo. Le rendu grossier de ces images permet de fabriquer et retoucher la scène, pratiquement au gros feutre, sans trop se soucier de la bonne concordance des divers éléments rapportés. Les erreurs et imprécisions manifestes sont mises sur le compte de la « touche artistique ». Le dessin autorise toutes les fantaisies, mais on ne lui accorde aucun crédit. Par contre, la photo qui transparait derrière chacun des éléments rétablit ce déficit en se portant garante de la vérité des faits.

Faut-il appeler cela un nouveau pictorialisme ? Il me semble que le pictorialisme fut pratiqué pour des raisons esthétiques. Nous en sommes bien loin ici. Ces images servent d’autres desseins bien plus prosaïques. Il faut fournir au lecteur avide de sensations, son lot d’images-chocs, quitte à fouler au pied les beaux principes de cette déontologie journalistique si souvent évoquée en temps de mauvaise conjoncture. Mais il est vrai que le Blick ne semble pas trop souffrir de la crise... serait-ce là la recette ?

Le plus étonnant est que le Téléjournal nous resserve ces images presque sans broncher. Dans cet extrait (01:31) du TJ d’hier soir, on évoque tout juste leur provenance avant de les présenter - ok, de façon à ce qu’on comprenne qu’il s’agit de la reproduction d’un journal - mais avec tout de même une valeur de témoignage égale à n’importe quelle autre image d’actualité. C’est confondant... dans tous les sens du mot. Je cherche toujours à comprendre si cette provenance, tout juste évoquée, suffit à placer ces images dans leur contexte... Et dans ce cas, la provenance « Blick » est-elle une excuse entendue pour leurs qualités discutables ? Ou sont-elles citées comme une source fiable provenant de confrères estimables ?

Notes:

[1] Journal de boulevard de Suisse allemande, 2e plus gros tirage du pays

[2] L’édition de 19h30 du Téléjournal de la Télévision Suisse Romande

Béat Brüsch, le 21 mai 2009 à 01.06 h
Rubrique: A propos d’images
Mots-clés: photojournalisme , photomontage , éthique
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Encore un débat sur des images (trop ?) photoshopées ! Ça en devient lassant. Je ne pensais pas en parler, mais, constatant que le sujet est toujours brûlant (2 posts en moins de 24h sur The Online Photographer !), j’ai envie encore une fois d’y mettre mon grain de sel.

L’histoire ? Un photographe danois, Klavs Bo Christensen, s’est vu refuser ses travaux par le jury du concours annuel de sa fédération de photo de presse (Pressefotographforbundet) au prétexte qu’elles étaient trop manipulées et s’éloignaient ainsi de la vérité [1]. Après avoir eu des doutes, le jury a demandé au photographe de lui soumettre ses fichiers RAW, afin de les confronter aux fichiers que le photographe a publiés.

Ce dernier point à lui seul, me pose déjà de gros problèmes. Comment un jury peut-il exiger de se poser en censeur de la « vérité » pour juger du rendu d’une scène à laquelle il n’a pas assisté ? C’est un peu le maître qui demande son cahier de brouillon à l’élève turbulent ! Sauf, qu’un photographe de presse est à priori un grand garçon (ou une grande fille), qui sait parfaitement ce qu’il fait, ce qu’il a vu et ce qu’il cherche à nous montrer. Dans les affaires de retouche, il faut distinguer celles dans lesquelles sont impliqués des postproducteurs (rédactions, éditeurs, etc) de celles où c’est l’auteur lui-même qui procède à des modifications. Les retouches faites par l’auteur - même si cela n’exclut pas la maladresse - sont le prolongement du travail de l’auteur. Elles doivent jouir d’une considération différente de celle qu’on réserve aux bidouilleurs habituels des arrières-salles de rédaction, qui le font presque toujours pour des raisons indéfendables.

On reproche à Klavs Bo Christensen d’avoir quelque peu forcé la saturation des couleurs et les contrastes de ses images prises à Haïti après un gros ouragan. On oublie bien souvent que les représentations photographiques ressortissent de conventions. Beaucoup de celles-ci sont le fruit de limitations techniques : noir/blanc, bougé, profondeur de champ, contraste, utilisation du flash en plein jour, et j’en passe. Beaucoup de transformations sont obtenues après coup, dans le « secret » des labos ou par des logiciels de traitement d’images et sont bien acceptées. Ce qui est étonnant en photo, c’est qu’on finit toujours par incorporer ces conventions stylistiques dans les gages de vérité que l’on prête aux photos ! Pensiez-vous que le monde était en noir/blanc avant les années 40 ? Non ? Mais c’est pourtant ce que nous montrent les photos et les films provenant de ces temps reculés !

© Klavs Bo Christensen
© Klavs Bo Christensen

Passer la souris pour voir avant/après

© Klavs Bo Christensen
© Klavs Bo Christensen

Passer la souris pour voir avant/après

© Klavs Bo Christensen
© Klavs Bo Christensen

Passer la souris pour voir avant/après

Les photographes savent bien que les fichiers RAW (fichiers bruts [2]) ne sont pas d’une très grande fidélité, en termes de rendu de l’atmosphère d’une scène. C’est même un fait constitutif du procédé, car le plus souvent, on règle les RAW de manière à ce que leur rendu soit le plus plat possible (le moins « manipulé » possible !), afin d’avoir toute latitude d’y apporter ses propres réglages avec la meilleure efficacité. D’exagérer le rendu des couleurs d’une image est une démarche aussi naturelle, de nos jours, qu’elle l’était à l’époque où l’on choisissait une pellicule plutôt qu’une autre, en fonction des sujets, de ses goûts ou de tout autre critère subjectif. C’est juste un peu (beaucoup !) plus efficace aujourd’hui. Et tant pis si cela dérange les habitudes visuelles de quelques grincheux. Les exagérations d’aujourd’hui sont peut-être les conventions de demain...

Les photographes de presse ne sont pas les scanners froids de la vérité vraie et objective que certains voudraient qu’ils fussent ! Ils sont aussi quelques fois des auteurs. Et ce peut être une bonne manière pour eux de « faire la différence » en ces temps difficiles.

Quant à ce jury, il me fait penser à ces fades experts venus du Cap Nord pour nous empêcher de fabriquer des fromages au lait cru ou des cervelas en peau de zébu !

Notes:

[1] Ne lisant pas le danois, j’interprète ce que propose la traduction robotique de Google...

[2] J’ai déjà parlé de cette interprétation des fichiers RAW ici. J’ai analysé certaines différences de perception entre l’oeil et la machine photographique et noté quelques tentatives de les atténuer dans mon billet sur le contraste local.

Béat Brüsch, le 9 avril 2009 à 18.22 h
Rubrique: A propos d’images
Mots-clés: esthétique , manipulation , photojournalisme , éthique
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Le World Press Photo a distribué ses lauriers. La « Photo of the Year » est de Anthony Suau (USA, pour Time). Comme chaque année ce prix sera discuté, critiqué, esquinté, loué. On peut se demander s’il est juste de couronner une seule photo parmi les 96’268 photos reçues ou même parmi les nombreuses photos lauréates des différents prix. C’est probablement utile du point de vue du marketing, car les médias pensent que leurs clients seront plus réceptifs à une seule photo, championne toutes catégories, star d’un instant. Et bon, c’est facile, on montre la photo vite fait avec son communiqué de presse et on passe à autre chose, il y a encore tellement de pipoles à voir, n’est-ce pas !

La question mérite d’être posée, en particulier cette année, car l’image retenue montre de façon exemplaire comment une photo peut s’avérer nulle quand elle est sortie de son contexte. L’image de cette année est absolument incompréhensible sans sa légende. Mais il ne s’agit pas que de cela, car cette photo fait partie d’un ensemble qui est tout à fait cohérent et dans lequel cette photo trouve sa juste place. Je trouve même la série tout à fait intéressante et convaincante. Isoler cette photo, même si c’est pour la consacrer, est une mauvaise action. Une mauvaise action vis-à-vis de son auteur, qui l’a pourtant bien présentée dans un ensemble, choix que l’on devrait respecter. Une mauvaise action aussi, pour le photoreportage en général, car ce n’est pas en célébrant une photo-devinette qu’on fera la promotion d’une activité qui peine toujours à trouver son public. (Je ne vous présente pas la photo, vous la verrez partout :-)

Passé cet énervement, je trouve que l’ensemble présenté cette année est riche et d’une belle qualité. J’entendais l’autre jour, le rédacteur photo d’un magazine d’information hebdomadaire, constater que la photo de presse n’apportait rien de nouveau depuis Capa. A moins de demander aux photos de bouger et - pourquoi pas - d’être sonores, ce n’est pas exactement le sentiment que l’on a en sortant de la visite du World Press Photo de cette année. À côté de quelques clichés déjà remarqués au cours de l’année, j’y ai personnellement fait de belles découvertes. Trop nombreuses à énumérer, je reviendrai peut-être sur certaines... En attendant, voici juste un coup de coeur : la série de Julian Abram Wainwright (Canada) montre des plongeurs lors des jeux de Pékin. Les images en noir/blanc, bien contrastées, sont d’une beauté formelle rarement atteinte en photo de sport.

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Kenya’s post election violence
© Walter Astrada - AFP

Les images de l’actualité dramatique mondiale sont toujours aussi poignantes (le tremblement de terre en Chine) et poseront certainement les questions récurrentes sur l’esthétisation de la violence. Pour y réfléchir, on regardera par exemple les photos de Walter Astrada (Argentine - AFP) sur les violences au Kenya... (âmes sensibles, s’abstenir) et on se fera une raison en admettant qu’il fallût bien que des images soient faites pour témoigner de la douleur et de la folie. Et qu’on ne peut pas reprocher à un photographe professionnel - qui prend pour cela des risques indéniables - de témoigner de ce qu’il voit et de faire par-dessus le marché, des images expressives, bien cadrées, pas floues et avec de bonnes couleurs.

L’ensemble des photos primées peut être regardé ici. Il y en a beaucoup, prenez votre temps.

Béat Brüsch, le 14 février 2009 à 16.23 h
Rubrique: A propos d’images
Mots-clés: WorldPressPhoto , photojournalisme
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