Mots d'images


En surcharge de travail, je n’ai pas beaucoup le temps de m’occuper de mon blogue. Aussi vais-je aujourd’hui vous la faire courte. Voici une série de photos amusantes. Attention, cela ne doit pas, pour autant, être pris à la légère. Le seul fait que ce travail soit suivi avec obstination dénote déjà une démarche originale. Ensuite, après les sourires, ces petites mises en abîmes peuvent aussi déboucher sur une réflexion plus générale, par exemple sur l’utilisation de l’imagerie touristique. Pour moi, cette série représente la parfaite idée que l’on s’en veut vaguement de ne pas avoir eue soi-même ! Eifel Souvenirs est à voir ici sur flickr. En diaporama, c’est ici et dans le détail, ici. L’auteur, Michael Hughes propose aussi des tirages de Souvenirs à la vente, ici.

Béat Brüsch, le 11 janvier 2007 à 17.50 h
Rubrique: Regarder en ligne
Mots-clés: dispositif , photographe
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Dans le cadre du Mois de la photo, la Galerie Vu et la Galerie Anatome se sont associées pour concevoir une exposition potentiellement exaltante : il s’agissait de croiser le regard de 80 photographes avec celui de 80 graphistes. Chaque graphiste se voyait attribuer, au hasard, une photo à laquelle se confronter. Le résultat est exposé sous forme d’affiches au format mondial. Une photo peine à produire du sens quand elle n’est pas légendée. Ici, la règle du jeu autorisait bien plus qu’un simple texte de légende. Tout l’attirail des « visuels » pouvait être mis en oeuvre. C’est là tout l’intérêt de l’exercice et la mesure de ses ambitions. Tout cela ne pouvait manquer d’intéresser le graphiste-illustrateur-photographiste-bidouilleur que je suis. Je n’ai pas été déçu... mais pas complètement surpris non plus ! (Etant fait du même bois qu’eux, je connais trop le fonctionnement des graphistes pour être réellement surpris.) Dans cet exercice du binôme photographes/graphistes, c’est surtout aux deuxièmes que l’on s’intéresse : ils interviennent « après », ils ont le dernier mot. Les photographes sont le « prétexte » (ils précèdent le texte ;-) de l’intervention des graphistes. Les photographes, bien que ce soit à eux que revienne le geste créatif initial (sans photo, pas de photographisme), ne sont pas particulièrement à la fête... Sont-ils honorés qu’on intervienne pareillement sur leurs images ? Je n’en suis pas sûr... tout au plus, peut-on dire « ...qu’ils ont l’habitude ». Ce dont je suis sûr, par contre, c’est que peu de graphistes accepteraient qu’on leur impose le dixième de ce qu’eux mêmes font subir aux photographes sans pousser des cris d’orfraie ! Est-ce parce qu’ils s’en rendaient compte, que plusieurs des graphistes exposés se sont littéralement excusés d’intervenir sur les images ? (Habituellement ils ne font pas tant d’histoires ;-) Si le graphiste a l’intelligence et le talent d’apporter une réelle plus value à la photo -qu’il en renforce le sens ou qu’il lui en donne un nouveau- il lui sera beaucoup pardonné. Mais que dire de ceux qui se sont contentés de faire joujou avec les images en faisant oeuvre de décorateur ou d’encadreur ? Ou de ceux qui, tels certains metteurs en scène, ont « surjoué » la pièce en multipliant les métaphores ? Il est à noter que les conditions de l’exercice ont un aspect « irréel » dans la mesure où, habituellement, les problèmes ne se posent pas aux graphistes de cette manière. En effet, dans leur cahier des charges figure toujours -et c’est bien la moindre des choses- le sens à donner au messages qu’ils élaborent. Ici, ce n’était pas le cas, ils étaient libérés de cette contrainte. Pour une fois, on leur a demandé de donner leur point de vue et ça change tout ! Ci-après, 4 exemples tirés de ces 80 photographismes...

Bande de Gaza

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Bande de Gaza 2006

Loïc Le Loët, photographe, France. 21 x 29.7, graphistes, France. | © Galerie VU | Clic sur image pour voir +grand

Comment expliquer la douleur de ce père palestinien dont le fils a été torturé par des soldats israéliens ? Les problèmes territoriaux sont constitutifs du conflit israélo-palestinien. Les murs, les barbelés ou les check points sont autant de réalités douloureusement ressenties par les habitants. Leur représentation, sous forme de symboles cartographiques, suggère bien que tout le statut du territoire est planifié, géré, voulu, imposé. L’encerclement est manifeste. Une sourde violence se dégage de ces signes froids, opposés à la présence physique du père.

El tres de mayo

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Armée Shan, Birmanie, Thaïlande 2003

Olivier Pin-Fat, photographe, Grande-Bretagne. Alain Le Quernec, graphiste, France | © Galerie VU | Clic sur image pour voir +grand

El tres de mayo de Goya est une de ces icônes qu’on nous ressert à chaque fois qu’on voit un groupe de soldats. C’en est au point que plus aucun artiste visuel ne peut représenter des militaires sans qu’immédiatement on le prétende inspiré par Goya. Le plus souvent, ces allusions à Tres de mayoGoya ne sont qu’une vue de l’esprit et servent surtout à étaler la culture de celui qui prétend les voir. Peut-être est-ce pour régler une fois pour toutes le sort de ce cliché romantique, qu’Alain Le Quernec a volontairement forcé le trait ? En superposant ainsi les silhouettes de Goya à cette photo de soldats, il ne laisse place à aucune ambiguïté : les militaires c’est fait pour tuer. « C’est la vie ». On déchire le coupon selon les perforations et c’est fini.

Jean-Paul Sartre

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Voyage de Jean-Paul Sartre en Lituanie, 1965

Antanas Sutkus, photographe, Lituanie. Pierre Neumann, graphiste, Suisse | © Galerie VU | Clic sur image pour voir +grand

D’emblée, l’affiche de Pierre Neumann nous frappe par sa force visuelle pressante. Mais elle parle de quoi, au juste ? Je dois avouer que sans les explications de l’auteur, il m’est difficile d’y voir clair dans ce qu’il faut bien appeler un rébus. Voici donc en résumé, les explications de l’auteur. Dans la demi-partie du haut, une photo de camp de prisonniers de Guantanamo, « prise » sur internet. En bas à droite, la photo de J.-P. Sartre. Le tout argumenté par un jeu de mots phonétique (La Nausée, ouvrage de J.-P. Sartre). Le propos est de confronter, les réticences d’intellectuels occidentaux à admettre les exactions US en Irak et celles de Sartre à accepter les exactions du Stalinisme. Voilà qui est plus clair. Et il est vrai que vu comme cela, ça fonctionne assez bien. Bien qu’archivu -et quelques fois par défaut technique- le truc de l’image pixellisée agit toujours fortement, en évoquant confusément le floutage TV, l’image volée, la violence, l’urgence, l’internet, la modernité... La puissante signalétique du X marque le rejet, la négation. Mais quelle négation ? Celle propre aux intellectuels mis en cause ou la nôtre vis à vis de ce phénomène ? Sommes-nous en présence d’une (sorte d’) illustration ou d’une affiche ? S’il sagit d’une illustration (accompagnant un texte) je n’ai rien à redire, car elle apporte une vision enrichissante à travers la réflexion qu’elle suscite. Si c’est une affiche, je suis plus réservé, car son décodage est bien trop laborieux. Peut-être est-ce un OVNI (Objet Visuel Non Identifié) ?

Chili

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Manifestants molestés par les forces spéciales de la police au Chili en 1985

Juan Carlos Caceres, photographe, Chili. Rodrigo Gomez, commissaire, Chili. Uwe Loesch, graphiste, Allemagne | © Galerie VU | Clic sur image pour voir +grand

Un grand chaos nous submerge à la première vision de cette affiche. Puis peu à peu, mais jamais complètement, notre oeil parvient à en discriminer les éléments qui s’opposent en un jeu de violentes transitions entre positif et négatif. Cette parfaite métaphore du bien et du mal, de l’ordre et du chaos, de la rigidité et de la douceur nous fait ressentir toute l’horreur de la scène. La typographie peut sembler envahissante, mais elle préserve soigneusement des éléments déterminants pour la lecture de l’image (les têtes des 2 protagonistes de la photo du haut). Certains détails sont mis en valeur (une main, une matraque, une jambe qui semble passer devant le C, en bas). Finalement, cette utilisation du positif et du négatif est aussi une évocation de l’univers de la photographie (argentique). Quel plus bel hommage pouvait-on rendre à la photo ?

L’exposition est à voir simultanément à la Galerie VU et à la Galerie Anatome (à Paris, France) jusqu’au 6 janvier 2007. La direction artistique est due à Marie-Anne Couvreu et Christian Caujolle. La muséographie est très convaincante car, en plus des affiches en grand format, elle nous donne à voir de belle manière les photos originales ainsi que les commentaires des auteurs. La revue amaniman (Filigranes Editions) a publié un hors série rassemblant tous ces travaux et leurs commentaires, que l’on peut commander. Merci à la Galerie VU qui m’a autorisé à reproduire les images de ce billet.

Béat Brüsch, le 21 décembre 2006 à 18.10 h
Rubrique: A propos d’images
Mots-clés: affiche , graphisme
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Connaissez-vous le Festival de l’Idylle Primesautière ? Savez-vous que le sommet du lac de Neuchâtel se situe à 429 m ? Savez-vous que la mondialisation a permis à Noël d’acquérir 51% du capital de Pâques ? Que la Suisse a subi une terrible épidémie de moustaches en 1890 ? Que nous aurons bientôt une centrale nucléaire fonctionnant au géranium enrichi ? Non ?
Si vous ne connaissez de la Suisse que ses chocolats, ses montres et ses banques, précipitez-vous chez Plonk & Replonk pour réviser vos clichés. Ces subtils et bien informés chroniqueurs temporains vous initieront aux merveilles ignorées de ce beau pays, qui n’hésiterait pas à mettre le feu au lac, si cela pouvait lui rapporter quelque chose. Leur essai socio-culturel sur les dimanches après-midi fait autorité dans les milieux les plus au centre. La chronique des métiers disparus d’antan, comme la Berceuse de marmottes ou les Naufrageurs de touristes, est à mettre entre toutes les mains. Plonk & Replonk sont aussi les porte-parole officiels de SM Helvetus IV, Roi de Suisse, qui nous prodigue ses conseils avisés chaque samedi dans Le Temps, le journal des élites gouvernantes et financières.
Leurs archives contiennent des documents aussi pertinents que précieux, telle cette photo poignante du match-retour de David et Goliath, cette image du Téléphérique à crémaillère du Birkenstock ou cet instantané, rare, d’une classe d’hyperactifs que nous reproduisons ci-dessous, suivi de quelques autres témoignages tout aussi pathétiques.
Bemolle
Domino
Noel
Elastic
Açores
Pour notre plus grand bonheur, Plonk & Replonk ont eu la bonne idée de mettre leurs archives à notre disposition sous forme de cartes postales.Vous pouvez les voir sur leur site, ici et les commander par e-mail. En cherchant un peu sur le site, les admirateurs hexagonaux et néanmoins suissophiles trouveront des adresses de vente dans leur pays. Les bons préceptes de SM Helvetus IV, Roi de Suisse, sont répertoriés ici. Un grand merci à ces imagiers modernes, grâce à qui, la Suisse n’a plus rien à envier à ceux d’Epinal.

Béat Brüsch, le 13 décembre 2006 à 15.50 h
Rubrique: Regarder en ligne
Mots-clés: photomontage
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En 1986, peu après l’explosion d’un réacteur à la centrale nucléaire de Tchernobyl, 135’000 personnes ont été évacuées d’une zone de 30 km autour du réacteur. Huit ans plus tard, en 1994, le photographe canadien David McMilan se rend sur place et obtient l’autorisation de circuler et de photographier librement dans la zone. Il y retournera 10 fois.
La région était autrefois prospère et la qualité de vie élevée. Les villes, villages et campagnes ont été abandonnés prestement. Tous les objets étant contaminés, ils ont dû être laissés sur place. On ne peut qu’être saisi à la vue de ces lieux vidés de leurs habitants. On frémit à l’idée de leur brutale évacuation et à l’intensité de leur détresse. Sans entretien, toutes les constructions et autres traces humaines se dégradent peu à peu, alors que la végétation trouve une autonomie nouvelle. On ne voit pas les radiations, mais pour un peu, on entendrait ses oreilles siffler comme un compteur Geiger ! Tchernobyl 1 Tchernobyl 2
Les prises de vue sont réalisées avec une approche documentaire. Images très propres et fouillées. Cadrages sobres, larges, ne se laissant pas distraire par de vains détails. Lumières douces et jamais équivoques. Pas d’aberrations optiques : toutes les verticales sont rigoureusement verticales. Distance, respect, humilité, caractérisent ce travail à la démarche profondément humaniste.
Les photos ci-dessus sont tirées du site Pripyat and the 30k Zone de David McMilan. Il contient 6 galeries de photos qu’il faut visiter calmement.

Béat Brüsch, le 7 décembre 2006 à 12.15 h
Rubrique: Regarder en ligne
Mots-clés: documentaire , photographe
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Un instant de calme dans un monde de brutes.

Je viens de voir l’exposition Une ligne subtile consacrée au photographe japonais Shoji Ueda, au Musée de l’Elysée (Lien cassé). Ueda nous fait pénétrer dans un monde qui peut nous sembler étrange aujourd’hui. Sa sensibilité esthétique est marquée par une grande pureté formelle à laquelle nous sommes peu habitués. Mais cette apparente simplicité nous touche, car elle va vers l’essence des choses. Aucune froideur, comme on pourrait le craindre à cet énoncé, mais de la tendresse, de l’empathie, voir même une complicité quand l’approche se fait ludique. Ueda J’ai trouvé peu d’images de Ueda sur internet. Comme pour la plupart des grands photographes morts, il n’y a pas d’images dépassant le format du timbre-poste visibles en ligne. Les fondations se chargeant de leur postérité veillent au grain ! On peut consulter quelques petits diaporamas avec de toutes petites images sur le site du Musée Shoji Ueda. Il semble que peu de livres soient disponibles. Bref, il ne vous reste plus qu’à aller voire cette exposition...

Béat Brüsch, le 3 décembre 2006 à 17.55 h
Rubrique: Voir de ses yeux
Mots-clés: musée , photographe
Commentaires: 0
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